Stefan Larsson a construit toute sa carrière de médecin et de consultant autour d’un objectif essentiel : améliorer la qualité des soins. En 2012, il a cofondé l’International Consortium for Health Outcomes Measurement (ICHOM) et il a récemment co-écrit le livre « The Patient Priority » qui démontre qu’en plaçant le patient au coeur du système de santé, on peut résoudre les multiples crises du secteur de la santé.
Quels sont les défis auxquels les systèmes de santé sont confrontés ?
Je constate trois principaux défis. Le premier concerne le coût des soins, qui, dans une grande partie du monde, augmente deux fois plus vite que le PIB. Pourtant, 20 à 40% des dépenses ne bénéficient pas vraiment au patient. Au niveau de la population, il y a peu de corrélation entre dépenses de santé et années de vie en bonne santé. Deuxièmement, il y a encore un enjeu réel en matière de démonstration des bénéfices des soins. Bien que les connaissances médicales aient considérablement progressé, trop peu d’études comparatives sont réalisées sur les traitements les plus efficaces. Enfin, le secteur souffre d’une crise de vocation. Médecins et infirmiers sont épuisés ou quittent la profession car ils ont l’impression de ne pas pouvoir faire le travail pour lequel ils ont été formés. Pour faire face à ces enjeux, le système de santé doit se recentrer sur son objectif premier : venir en aide aux patients.
Votre solution serait de déployer à plus grande échelle une approche de la santé fondée sur la valeur… Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Il s’agit de se concentrer essentiellement sur les résultats de santé qui comptent le plus pour les patients. Bien sûr, les données cliniques actuelles sont indispensables, mais nous manquons souvent de données concernant l’impact du traitement sur la qualité de vie du patient. En se basant uniquement sur le résultat clinique (la survie par exemple), on optera pour un traitement spécifique. Mais nous avons appris avec l’expérience que beaucoup d'autres facteurs importants pour les patients entrent en jeu. Et leur prise en compte peut modifier considérablement le parcours de soins d’un patient et limiter l’impact négatif sur sa qualité de vie. C’est une approche beaucoup plus globale de la santé.
Comment mettre en œuvre cette nouvelle approche ?
La première chose à faire est de recueillir des données les plus pertinentes possible en termes de qualité des soins et de qualité de vie des patients. Et ce, à l’aide d’indicateurs de bénéfices avérés. On récupère déjà ces données aujourd’hui, mais pas de manière systématique et standardisée, ce qui nous empêche de savoir quels sont les meilleurs résultats du point de vue du patient. L’objectif de l’ICHOM est justement de développer des outils de mesure centrés sur l’expérience du patient pour créer des standards à partir des informations collectées. Une maladie comme le diabète est la même à New York, à Stockholm et au Zimbabwe, et les patients du monde entier souhaitent obtenir les mêmes résultats finaux. Nous pouvons donc créer des référentiels mondiaux de bénéfices pour les patients. Les médecins, les infirmiers, les patients et les établissements de santé pourront ainsi comparer leurs résultats et comprendre pourquoi certains sont meilleurs que d’autres.
Ces informations sont aussi une source de recherche et d'inspiration précieuse pour adopter une démarche d’amélioration continue et éviter un gaspillage de ressources.
Quels conseils donneriez-vous aux entreprises du secteur face à cette transformation?
Pour quiconque travaille dans la santé, l’objectif premier est d’améliorer l’état de santé du patient.
Et pour ce faire, il est indispensable de recueillir des indicateurs cliniques (et de qualité de vie partagés par le patient) et de les rendre transparents et accessibles aux professionnels de santé. Ce besoin va continuer de croître et les entreprises les plus en avance dans ce domaine ont un rôle essentiel à jouer dans cette évolution.
Grâce aux données partagées par le patient, nous pouvons créer des parcours de soins qui nous permettent d’améliorer les résultats en continu, tout en réduisant les coûts pour le système de santé. Une méthode clé pour relever les défis du secteur en apportant une vraie valeur ajoutée aux professionnels de santé, aux soignants et, avant tout, aux patients.